Qui êtes-vous ?

Jerusalem, Israel
Journaliste indépendante, je suis installée à Jérusalem depuis septembre 2009, après avoir vécu à Kaboul (Afghanistan)de janvier 2007 à décembre 2008. Lors de ces deux années, j'ai couvert pour plusieurs media, l'actualité afghane. Presse écrite, radio ou encore télé, j'ai multiplié les collaborations en radio et presse écrite. Correspondante de RFI, RTL, Radio Vatican, France Info, France Inter, France Culture et I télé, Le Parisien, L'Equipe Magazine, Le Figaro, Figaro Magazine, CB News, La Nouvelle République. Rentrée pour quelques mois en France, j'ai effectué quelques CDD chez RFI avant de repartir m'installer à l'étranger.

06/11/2007

Afghanistan: nouvelle page de pub





Ravagée par la guerre, minée par le régime des talibans et la chasse aux terroristes, l’Afghanistan n’en reste pas moins un pays en reconstruction dans lequel les capitaux étrangers afflux de plus en plus. De fait, la publicité, certes encore à l’état embryonnaire, y connaît un succès croissant sous l’impulsion d’agences créées pour la plupart par des expatriés français.





Plaine de Chamali, à une heure en voiture de Kaboul. Une équipe de tournage s’installe dans un petit village. Sur le terrain, le réalisateur, pakistanais, un directeur artistique et une chef de pub français tournent une séquence de la nouvelle publicité Roshan, le premier opérateur téléphonique afghan. Le cadre est surréaliste mais pourtant bien là : des montagnes ocres en arrière-plan, des maisons de terre encadrant le "plateau", quelques vaches et chèvres qui broutent paisiblement à quelques mètres de là. Les villageois sont tous au rendez-vous pour cet événement. C’est sans doute la première fois qu’ils assistent, chez eux, à un tel déballage de modernité. Le pitch : un père et une mère se réjouissent devant leur mobile, leur fils vient de leur envoyer de l’argent par téléphone grâce au service de mobile banking désormais proposé par Roshan en Afghanistan. C’est Altai la première agence de communication et de consulting du pays, créée par trois Français, qui est en charge du projet.



L’Afghanistan terre de publicité, forcément, à première vue cela surprend. Disons que ce n’est pas le premier mot qui vient à l’esprit quand on pense à ce pays miné par la guerre, le terrorisme, l’extrémisme religieux, la drogue… Et pourtant. Kaboul est aujourd’hui une ville qui tend vers la modernité : les chantiers surgissent un peu partout, de grands immeubles sortent de terre et, symbole fort du renouveau économique, de plus en plus de panneaux publicitaires font leur apparition sur les boulevards. Loin de standards de nos riches cités (JC Decaux ou Clear Channel ne sont pas implanté là-bas), ceux-ci sont généralement implantés de façon quelque peu anarchique, certaines affiches ressemblant davantage à de simples posters collés à la va vite sur les murs. Mais les annonceurs qui se les offrent n’ont rien de fictif. Coca-Cola, Nestlé et Western Union sont aujourd’hui présents dans le pays, leur présence s’inscrivant même au-delà de la capitale. Il n’est pas rare en effet de croiser une de leur pub dans les rues de villages des provinces les plus reculées du pays.



Cet éveil du pays à la publicité et très récent. Il y a encore 5 ans, la population afghane n’avait aucune notion de ce que pouvait être la publicité. En 25 années de guerre, entre l’occupation soviétique et le joug du régime taliban, les Afghans n’ont en effet connu que la propagande communiste ou islamiste, quand ils ne subissaient pas l’absence totale de représentations imagées.



L’ouverture à l’univers de la communication coïncide avec l’effondrement du régime taliban en 2001. A partir de cette date, de nombreuses organisations internationales viennent s’installer dans le pays et les investisseurs privés affluent. La reconstruction du pays passe non seulement par les ONG, mais aussi par l’implantation d’entreprises désireuses d’apporter un nouvel élan à l’économique afghane. C’est dans ce contexte, en août 2003, que Rodolphe Baudeau, Eric Davin et Emmanuel de Dinechin, jeunes trentenaires diplômés de grandes écoles de commerce en France (HEC et ESSEC), créent leur agence, baptisée Altai. Celle-ci est actuellement la première sur le marché, avec un chiffre d’affaire de 5,5 M$. Un marché qu’elle partage avec trois autres structures : Sayara (également créée par 3 Français), Lapis et Ceetena.



Les 3 associés sont présents à Kaboul depuis 2002, période durant laquelle ils travaillaient pour une ONG media. Très vite, ils profitent de l’arrivée des investisseurs étrangers pour saisir le créneau de la publicité et du consulting, faisant ainsi un saut dans l’inconnu. « Partir de rien, c’est fascinant et c’était surtout pour nous un véritable challenge. Car en matière de communication, tout est à construire dans ce pays » confient-ils.



A l’époque, 4 expatriés et 6 Afghans travaillent ensemble dans un petit local non chauffé. Mais la demande est là : ONG et institutions internationales, comme les divers bureaux des Nations Unies, ont besoin de communiquer très rapidement avec la population afghane. C’est par ce premier biais que les afghans découvrent la publicité. L’UNICEF devient à ce moment le premier gros client d’Altai Communication en lui confiant des campagnes de santé publique (promotion de la scolarité des filles, insertion des handicapés dans la société afghane…). En 2003, l’essentiel de la publicité en Afghanistan relève d’ailleurs de la communication publique. Mais très vite, Altai décroche le contrat exclusif pour la communication de Roshan, le 1er opérateur téléphonique du pays. Aujourd’hui, ce client constitue près de 80% de son activité. Et depuis 2004, grâce à l’entremise du Pdg de Roshan, Altai est affiliée au réseau JWT. Parmi les quatre « véritables » agences qui se partagent actuellement le marché de la communication en Afghanistan, Altai est néanmoins la seule à travailler majoritairement pour des clients privés tels que Nestlé, Virgin et Western Union, qui côtoient les budgets de l’Unicef et du ministère de la santé en communication publique.



Au fil du temps, Altai-JWT a réussit à convaincre des publicitaires d’agences reconnues de la rejoindre (Ogilvy, Fullsix, Overnet). Aujourd’hui, plus de 170 personnes sont salariées dans l’agence, dont 30 expatriés qui sont essentiellement des Français âgés de 21 à 35 ans, dont le rôle est aussi de former les afghans à leurs métiers. Pour Emmanuel de Dinechin, « si Altai attire autant d’expatriés, c’est qu’ils sont tentés par l’aventure et par l’impact énorme que la publicité provoque sur la population ». Constance Capy, 28 ans, directrice générale adjointe, est arrivée à Kaboul il y a plus d’un an après une expérience de 3 ans chez Ogilvy à Paris. « Ici, j’ai davantage de responsabilités. J’apprends énormément en terme de management et ma position me fait découvrir des fonctions transversales (finance, RH, etc.) que je n’assumais pas en France. Il y a beaucoup moins de formalités, plus d’autonomie, de dynamisme, de challenge à relever. Et surtout, la satisfaction de former des personnes dans un pays où le système d’éducation est faible. Voir progresser les afghans reste ce qu’il y a de plus gratifiant ».



En Afghanistan, l’image est bien entendu nettement moins exploitée que chez nous. Il n’existe ni cinéma ni magazines. Kaboul est une ville sans ornementations, sans couleurs, où la poussière est partout. « Finalement c’est peut être dans la publicité qu’on trouve le plus de représentations imagées» déclare Gaëlle Richard, diplômée des Arts Décoratifs et directrice artistique d’Altai. Etre publicitaire à Kaboul, c’est comprendre et se plier à la culture complexe d’un pays composé d’une quinzaine d’ethnies dont les codes sont diamétralement opposés au modèle occidentale. « Le second degré, l’ironie ou l’humour sont proscris. Ici, seul le premier degré est intelligible. Dans certaines régions il est par ailleurs inconcevable de représenter une femme non voilée ou un homme rasé » poursuit Gaëlle Richard.



Si le travail des créatifs est similaire à celui que l’on connaît dans nos agenecs, ces derniers se doivent cependant d’être polyvalents et capables de réaliser des publicités sur tous les supports (print, audio, vidéo). « Nous devons prendre en compte beaucoup de paramètres qui limitent parfois notre champ de créativité» explique Charles-Henri Putz, autre DA de l’agence. Le secret repose sur la simplicité des messages. « Il est difficile d’innover artistiquement dans un pays comme celui-ci où il n’y a, à la base, aucun historique visuel. Les références ne s’imposent pas d’elles mêmes, il faut les inventer» ajoute Gaëlle Richard. A cela s’ajoute le fort taux d’illettrisme de la population afghane (75%) qui oblige les agences à concevoir des messages "portés" par le visuel. Pour optimiser la portée du message, chaque campagne est d’ailleurs conçue dans les deux langues officielles du pays : le dari et le pachtou (dialecte du sud).



Mais si la culture publicitaire des afghans est nulle, cela ne les empêche pas d’apprécier la publicité. Il est fréquent de voir un passant s’arrêter devant un panneau publicitaire et de le photographier. «Pour eux, c’est un loisir. Il n’y a pas cet effet de lassitude de la population qu’on peut trouver en Occident. Il y a une véritable attente» analyse Emmanuel de Dinechin. Pour coller au plus près aux évolutions des modes de vie des afghans, Altai mise aussi beaucoup sur les études. Pré et post tests, focus groupes, sondages…Tous les outils sont sollicités. « Nous avons beaucoup investi dans ce secteur car nous souhaitons fournir à l’Afghanistan des services identiques aux standards internationaux » explique Rodolphe Baudeau.



Si le secteur de la publicité est aujourd’hui en pleine expansion (+30% de 2006 à 2007), le pays le doit à la conjonction de plusieurs facteurs : L’afflux d’investisseurs étrangers provoque une réelle croissance économique ; La concurrence stimule les agences existantes, rend les clients plus exigeants et permet de réaliser des campagnes plus fines et mieux pensées.




« L’Afghanistan est parti du néant total à l’un des marchés publicitaires les plus dynamiques du monde » s’emballe même Emmanuel de Dinechin. Le paysage médiatique aussi est en constante évolution. L’offre est de plus en plus abondante - 60 radios quand il n’en existait qu’une seule radio sous les talibans (Radio Charia) et 30 chaînes de télé, les plus connues étant Tolo TV et Ariana TV -, et l’électricité commence tout juste à être à la portée de chaque foyer dans les villes, offrant ainsi à la population un accès au contenu audiovisuel indispensable pour faire prospérer la pub dans le pays. « On est passé d’un bon de l’âge de pierre de la pub aux réclames des années 60. C’est un grand pas pour ce pays » explique Constance Capy, qui tempère néanmoins l’état des lieux trop idyllique que certains seraient tentés de dresser sur ce marché : « La créativité publicitaire ne s’exprimera réellement en Afghanistan que lorsque tous les Afghans auront appris à lire, ou que tous seront branchés sur le câble. Ce qui, ne nous en cachons pas, n’est pas pour tout de suite... » .



Constance de Bonnaventure

28/09/2007

Le confit de Kaboul

Cela va faire un an que Joëlle Roumat a fait ses valises pour venir s'installer à Kaboul, en Afghanistan. Restauratrice pendant plus de vingt ans, elle a décidé, du jour au lendemain, de retrouver sa fille en poste dans la capitale afghane. Aujourd'hui, elle navigue entre Kaboul et Islamabad, deux villes agitées et sous les feux de l'actualité.

(ci-contre: la piscine de l'Atmosphère)


Qui eut cru que l'on pouvait déguster de bons plats du Sud-Ouest à Kaboul ? Lorsque l'on passe la porte de L'Atmosphère, le restaurant français, le léger accent du Sud-Ouest de Joëlle nous transporte immédiatement ailleurs. Nous sommes bien loin des rues poussiéreuses et de la tension qui règne dans la capitale. Pour les expatriés, Joëlle est un cadeau du ciel. En plus de ses recettes magiques, elle a apporté ici l'accueil chaleureux dont tout le monde a besoin.


Pouillon et le Maroc. Voilà près de un an que Joëlle, à peine effleurée par la cinquantaine, s'est installée dans la région. Landaise, née à Pouillon, près de Dax, elle étudie à Bayonne puis à Pau. Les rencontres et ses choix de vie l'ont ensuite amenée à passer près de vingt ans au Maroc, pour revenir en 1997 à Pau, où elle ouvre une brasserie, Le Carnot. C'est presque à contrecoeur que notre Landaise se retrouve en Afghanistan. Objectif : rendre visite à sa fille Jessica, humanitaire à Kaboul. « Je ne pensais jamais rester. C'était juste pour faire plaisir à ma fille. » Jessica prévient sa mère que le restaurant français recherche quelqu'un pour superviser la cuisine, refaire la carte et former des Afghans. Joëlle hésite, dit oui, puis non. Et, finalement, en septembre 2006, elle atterrit à Kaboul et découvre alors cette ville crasseuse où la pauvreté est omniprésente. Mais quel n'est pas son étonnement quand elle débarque ensuite à L'Atmosphère ! « Là, j'ai eu un choc. Je ne m'attendais pas à trouver ça après avoir traversé cette ville aux rues si sales. » Dans un jardin fleuri, autour de la piscine, il y a plein de jeunes, de toutes nationalités. « C'est un autre monde », glisse Joëlle. Très vite, elle prend ses marques. La cuisine, française, est influencée par le Sud-Ouest : foie gras, confit de canard, salade de gésiers ou encore jambon de Bayonne de quoi ravir les expatriés en manque de nourriture occidentale ! Le soir, elle fait le tour des tables. Elle explique et fait partager sa passion. « Ici, je suis un peu la maman de tout le monde », raconte-t-elle avec un grand sourire.

Sa popularité. Le pari n'était pas gagné pour cette femme coquette et indépendante. Elle a dû s'adapter très vite aux conditions du pays, où les attentats rythment les jours. Porter le voile, ne jamais sortir seule, être sans cesse vigilante. Mais professionnellement aussi, car Joëlle doit gérer une équipe entièrement masculine : sept hommes en cuisine et six serveurs. Malgré la barrière de la langue, la complicité s'est très vite installée. « Joëlle a apporté un réel rayonnement humain qui a fait beaucoup pour attirer les clients. Elle a su s'adapter très vite », explique Marc Victor, patron de ce restaurant. C'est vrai que sa popularité est notoire à Kaboul. Aujourd'hui, Joëlle, Marc Victor et leurs associés ont ouvert le même restaurant à Islamabad, au Pakistan, que Joëlle va gérer, ainsi qu'un autre au sein de la base militaire française de Kaboul. Leurs projets ne s'arrêtent pas là. Reste à savoir quelle sera la prochaine destination.
L'Atmosphère, Kaboul City, Kaboul Camp militaire français et Islamabad. Pour en savoir plus rendez-vous sur: latmospherekabul.blogs.com

13/09/2007

Le Tour de France vu de Kaboul

Un verre à la main, les yeux rivés sur l’écran, ils sont Français, Anglais, Américains ou encore Afghans. Tous se sont donné rendez-vous dans le restaurant français de Kaboul, L’Atmosphère, pour regarder une étape de haute montagne du Tour de France. Il est 2 heures et demi de plus qu’en France.

Le lieu contraste avec les rues poussiéreuses et sales de la ville. Beaucoup d’expatriés de Kaboul aiment se retrouver ici, qu’ils soient humanitaires, entrepreneurs ou encore journalistes. « C’est un petit coin de France que l’on vient chercher » entend-on souvent.

Pour Marc Victor, patron de l’Atmosphère, c’est devenu une habitude de retransmettre les événements sportifs français. « Ma mission dans ce pays est aussi de faire découvrir la culture française et le Tour de France en fait évidemment partie ». La télévision est branchée sur une chaine Sud-Africaine. « Ce qui me manque, ce sont les commentaires en français » déplore Jérôme Mathieu, responsable du développement dans une ONG média. Les serveurs de ce bar-restaurant sont afghans. Ils passent régulièrement devant l’écran : « c’est Paris ? », « les routes sont belles et tout est vert » s’étonnent-ils. Jérôme apprécie le côté international de cet événement, le fait de se retrouver avec d’autres nations. « On se rend compte de l’ampleur du phénomène au niveau mondial » souligne Sébastien Turbot, entrepreneur en Afghanistan depuis 5 ans. « Pour nous qui sommes très loin de chez nous et dans un environnement si différent, regarder le Tour de France nous donne un goût de notre pays » ajoute-t-il. Un brin nostalgique, les Français de Kaboul admirent les paysages montagnards et la verdure de la France… Alors qu’en Afghanistan on commence à voir sur les routes des cyclistes aux tenues bariolées…

Constance de Bonnaventure

08/07/2007

Moi, Mohammed Rafiq, 15 ans, suicide bomber

Mohammed Rafiq a 15 ans. Pakistanais du Nord Waziristan, lieu de repli de nombreux combattants taliban, il a été arrêté dans la province afghane de Khost il y a 3 semaines, peu avant de se faire exploser à proximité du gouverneur de cette même province. Retour sur le parcours de cet apprenti suicide bomber...


L’air hagard et perdu, il regarde ses mains pataudes, tout en lançant de temps à autres de petits sourires timides. Mohammed, 15 ans, est emprisonné à Khost depuis quelques jours. Il y a moins d’un mois, cet adolescent, enfant dans un corps d’adulte, était arrêté par la police afghane quelques heures avant de remplir son devoir : se faire sauter à côté du gouverneur de Khost (province Est afghane, frontalière avec le Pakistan).

Vêtu d’une shalwar kameez, habit traditionnel pakistanais, il est assis sur un fauteuil dont il ne bougera pas. Le directeur de la toute neuve prison de Khost dans laquelle ne sont hébergés que des prisonniers politiques, accorde cette interview exclusive dans son bureau et en sa présence. Mohammed ne lève pas les yeux vers les deux femmes occidentales qui l’entourent mais cherche du regard le soutien du directeur de la prison. On dirait un enfant honteux qui vient de commettre une bêtise. Il est mal à l’aise, il transpire.

Le processus qui l’a conduit jusqu’à cette prison est d’une simplicité effrayante. Originaire du Nord Waziristan, une des zones tribales pakistanaises frontalières avec l’Afghanistan où grouille la majorité des combattants islamistes de la région, Mohammed grandit dans une famille pachtoune assez aisée avec ses cinq frères et ses deux sœurs. « J’ai d’abord été à l’école publique, comme tous les garçons de mon village ». Son père est instituteur à Makin, village proche de Miram shah, capitale du nord Waziristan.

L’idée de devenir un suicide bomber n’avait jamais effleuré l’esprit du jeune Mohammed. D’ailleurs, il ne l’a pas eue seul. La visite dans son école d’un mollah venu chercher de nouvelles recrues déclenche en lui l’envie de gagner son Paradis. Le mollah propose aux enfants de venir étudier dans sa madrasa, école coranique. « Dieu vous aimera » leur explique-t-il. « Ma famille n’était pas d’accord pour que j’aille étudier dans une madrasa. J’y ai été contre la volonté de mon père, car je croyais plus que tout au Paradis » raconte Mohammed. Il ajoute aussi que certains de ses camarades de classe, motivés, l’ont poussé à s’y rendre. Mais après un passage rapide dans cette école religieuse, Mohammed est envoyé dans un centre de formation au suicide. Il y restera 3 mois. Là-bas, comme lui, une quinzaine de jeunes garçons suivent ces cours de « kamikaze ». On leur apprend à porter un gilet d’explosifs, à le manipuler, à définir le moment propice pour se faire exploser. En parallèle, le mollah Hamidullah, chef du centre, scande à longueur de journées ce refrain: « Vous gagnez votre Paradis ». « Ils nous ont tout expliqué. Ils nous ont dit et répété que les personnes que nous allions tuer n'étaient pas des musulmans, mais des infidèles. Et que si nous nous faisions exploser, nous irions directement au Paradis » Le Paradis…l’adolescent était fasciné. « Le soir avec mes camarades, nous nous demandions à quoi cela pouvait ressembler. Nous ne parlions que de ça…le Paradis. »
3 mois plus tard, l’heure est venue pour le suicide bomber d’accomplir son devoir. « Avant de quitter le centre, on me rappelle, comme chaque jour d’ailleurs, le bonheur du Paradis ». Il traverse à pied la frontière afghano-pakistanaise que la tribu pachtoune, à cheval sur les deux pays ne reconnait pas. Il marche 7 heures pour se rendre de son village du Waziristan à la ville afghane de Khost. Il ne rencontre aucune difficulté pour franchir la ligne virtuelle qui sépare le Pakistan de l’Afghanistan. « J’ai traversé la frontière sans problème. A pied, j’ai gravi les montagnes. Un ami taliban m’a accompagné sur le chemin » En effet, les pachtounes afghans ne reconnaissent pas cette frontière et laissent passer tous les locaux. Quand Mohammed arrive à Khost, il retrouve son « ami » qui lui fournit son gilet d’explosifs et lui indique l’identité de celui qui doit mourir. Sa mission expliquée, il sait que le lendemain, il doit assassiner le gouverneur de Khost, Arasala Jamal. Il recevra un appel téléphonique au moment où Jamal sortira de son bureau. Il devra alors se faire exploser à côté de lui. « Je ne connaissais pas le gouverneur de Khost auparavant. Mais on m’avait expliqué dans le centre que c’était un mauvais homme, qu’il travaillait avec les étrangers, que ce n’était pas un bon musulman et qu’il vivait comme les Américains. Tu dois le tuer, me répétait-on »
Mais Mohammed et son acolyte n’auront pas le temps de réaliser leur plan. A 10 heures du matin, la police afghane débarque dans la maison où ils se trouvent pour tous deux les arrêter.
« Je n’ai jamais eu peur, pas une seule seconde puisque je ne savais absolument pas à quoi ressemblait une explosion Je n’en ai jamais vue. On ne nous en a pas fait de démonstration dans le centre »

Rappelant quelque peu la scène de Jean-Paul II rencontrant son assassin, le gouverneur de Khost est allé en prison rendre visite au jeune Mohammed. Il s’est fait photographier avec lui et expose ces clichés avec une certaine fierté. « Le gouverneur est un homme extraordinaire. Il est venu me rencontrer ici. Je ne souhaite plus sa mort » a ensuite déclaré Mohammed.
Dans cette maison d’arrêt de Khost, le jeune suicide bomber est extrêmement bien traité. Le directeur de la prison lui offre sourires sur sourires. « Il n’est pas blâmable car il est jeune et simple victime de la politique pakistanaise » explique fièrement le chef de ces lieux. En effet, la capture de Mohammed est une victoire pour les autorités afghanes. Un homme lui apporte des pastèques et du thé. On lui demande sans cesse s’il va bien. Ici, il est exposé comme un trophée. Il est devenu la coqueluche de Khost, lui, l’innocent manipulé par l’ennemi pakistanais.
La prison dans laquelle Mohammed est incarcéré est ultra-moderne et rutilante. Au total, 12 prisonniers politiques sont installés dans ce centre de détention financé par les Américains. Parmi eux, cinq suicide bombers, les autres sont des taliban.

Comme tous les autres prisonniers, Mohammed ne reste que deux semaines ici, le temps que les autorités afghanes lancent des recherches sur lui. Il sera ensuite transféré à Kaboul en attendant son jugement.

A propos de son avenir, Mohammed lance naïvement en fixant le directeur de la prison de Khost : « Je voudrais commencer une vie normale. Maintenant je ne veux plus tuer. J’ai compris…compris que c’était une mauvaise action ».

18/06/2007

La condition des journalistes afghanes

Elle est la deuxième journaliste afghane assassinée en moins d’une semaine. Zazia Zaki, directrice de la Radio Peace qui émet dans la province de Parwan (nord de Kaboul) a été abattue mercredi à son domicile, devant son enfant de 8 huit ans. Connue pour ses combats contre les anciens chefs de guerre, elle avait récemment reçu des menaces lui ordonnant de fermer sa radio. « Elle croyait en la liberté d’expression, c’est pour ça qu’elle a été tuée » pense Rahimullah Samander, directeur de l’association des journalistes indépendants d’Afghanistan.
Vendredi dernier, Sanga Amach, jeune présentatrice de 22 ans pour la chaîne privée Shamsad TV a également été tuée, chez elle, à Kaboul. Ses assassins ont été arrêtés. Le motif de son meurtre serait lié à son refus de se marier. Mais elle avait aussi été sommée de cesser ses activités de journaliste.

Chez Tolo TV, chaîne privée afghane réputée pour sa modernité, les femmes ont certes une place mais restent minoritaires. La chaîne a été très souvent la cible des conservateurs. En mai 2005, une journaliste de Tolo, Shaima Rezaee était retrouvée morte. Faranda est actuellement présentatrice chez cette même chaîne. « La mort de Zazia me fait peur. Une fois encore, cela confirme qu’être une journaliste en Afghanistan est difficile. Nous n’avons ni les mêmes droits, ni les mêmes fonctions que les hommes » déplore-t-elle.

Depuis la chute du régime taliban, les médias se multiplient en Afghanistan. Même si certains signes donnent de l’espoir, comme la reparution récente du Kaboul Weekly, un des quotidiens les plus indépendants, la liberté de la presse en Afghanistan reste une réalité bien fragile. L’insécurité, la menace de certains chefs de guerre et parfois la pression gouvernementale pèsent sur les media afghans.

17/06/2007

Le dur labeur des infirmières de Kaboul




En 2005 s’est ouvert l’Institut médical Français pour l’Enfant (IMFE) à Kaboul, la capitale afghane. Né d’une initiative de l’association la Chaîne de l’Espoir, le programme Enfants Afghans s’est fixé comme objectif la construction du premier hôpital moderne en Afghanistan.
Aujourd’hui, des infirmières se succèdent au fil de missions ponctuelles afin de soigner les enfants et de former du personnel infirmier afghan. Portraits de ces femmes qui donnent de leur temps pour la reconstruction de l’Afghanistan…

Entre les montagnes enneigées de Kaboul, au milieu des ruines, vestiges des nombreuses guerres en Afghanistan, se dresse une lueur d’espoir : l’Institut Médical Français pour l’Enfant (IMFE). Après avoir traversé le quartier en ruine de Kaboul dans lequel s’est installé l’hôpital, le visiteur est immédiatement surpris par ce bâtiment flambant neuf. Des gardes surveillent l’entrée. Il y a du mouvement. Des femmes et des enfants entrent et sortent. A l’intérieur, tout est propre. On pourrait se croire en France s’il n’y avait pas ces femmes coiffées de voile ou de burka et les imams se mettant à chanter la prière. Dans ce pays sinistré par près de 25 ans de guerres, où un enfant sur quatre n’atteint pas l’âge de 5 ans, la situation sanitaire est catastrophique. Sur 28 millions d’habitants, on compte un médecin pour 50 000. Le taux de mortalité infantile y est extrêmement élevé : 15,7%, tout comme le taux de mortalité maternelle qui est de 1,7%.

UNE INITIATIVE DE LA CHAINE DE L’ESPOIR
C’est en novembre 2001 qu’est lancé le programme Enfants Afghans à l’initiative du grand reporter Marine Jacquemin et de la comédienne Muriel Robin. Ce programme s’inscrit dans le cadre de la Chaîne de l’Espoir, association dont le but est de soigner des enfants dans le monde. Le projet est de construire l’hôpital de la mère et de l’enfant aujourd’hui appelé Institut Médical Français pour l’Enfant (IMFE), avec un objectif principal : contribuer à la reconstruction du système sanitaire afghan et faire ainsi fonctionner le premier hôpital moderne au profit des mères et des enfants. Aux côtés du réseau de développement Aga Khan, de partenaires privés, les gouvernements français et afghans ainsi que 12 000 donateurs privés participent financièrement au projet. La construction débute en 2003, sur un terrain auparavant vide que l’Etat afghan a bien voulu céder à la Chaîne de l’Espoir. En face de l’IMFE se dresse l’hôpital Atatürk, totalement délabré et dont la condition sanitaire est déplorable. Il soigne également les enfants, et de manière gratuite.

La première pierre est posée le 27 mai 2003 et les travaux débutent en juillet de la même année. En février 2005, la construction est achevée et quelques mois plus tard, la première intervention chirurgicale se déroule avec le professeur Revillon de l’hôpital Necker.

Aujourd’hui, l’IMFE réalise environ 37 000 consultations par an et 1700 opérations chirurgicales.

UN PROJET MEDICAL PRECIS

Le projet médical se concentre avant tout sur la chirurgie de l’enfant avec 2 unités spécialisées.
Sur 12 800 m2 sont regroupés 4 blocs opératoires, une unité de chirurgie pédiatrique générale, une unité de soins intensifs, des activités de chirurgie infantile spécialisées, une unité d’imagerie médicale (scanner), une pharmacie, un laboratoire. Au total, 70 lits d’hospitalisation, 8 lits de réveil, et 15 en réanimation soins intensifs.
Pour des raisons économiques, l’IMFE n’hospitalise que des enfants mais assure également quelques prestations externes.
Au rez-de-chaussée de l’hôpital, on trouve la pharmacie où des médicaments pour l’extérieur sont en vente, deux salles de radiologie, le scanner (l’unique en Afghanistan), le service biologie (avec un biologiste français pour une mission courte), le service consultation (très fréquenté) et le laboratoire. Au premier étage, le bloc opératoire, le service réanimation et le service hospitalisation (avec 4 chambres VIP). Le second étage est en construction.

Depuis la première opération, le 3 avril 2006 (première opération à cœur ouvert en Afghanistan), des missions de chirurgiens, anesthésistes, biologistes, radiologues et infirmiers se succèdent pour opérer les enfants et former le personnel afghan.
L’équipe médicale à Kaboul est composée en permanence d’une douzaine de français. S’ajoutent à cela des missions de chirurgie cardiaque ponctuelles qui ont lieu cinq à six fois par an (seul endroit du pays où on en pratique). Cela mobilise 10 personnes au total, pendant 15 jours. Ces missions ont un coût assez élevé. A chaque mission une trentaine d’enfants sont opérés.

Le personnel français qui vient à Kaboul en mission est hébergé par l’hôpital qui met à leur disposition une dizaine de chambres. « Les expatriés ici sont souvent assez jeunes avec le même état d’esprit. Ce sont des humanitaires » explique Bernard Baugey, ingénieur biomédical, entre autres chargé de la mise en place de l’hôpital.

UN RYTHME SOUTENU

Parmi les infirmières, Marie de Frémont, 24 ans, a décidé de passer 6 mois à Kaboul. Originaire de Picardie, elle se dirige vers des études d’infirmière après avoir étudié 2 ans en médecine. Elle a suivi sa formation à l’école de la Croix Rouge dans le 13e arrondissement de Paris avant de travailler à l’hôpital Necker dans la même ville.
Marie est arrivée le 15 janvier dernier à Kaboul. Voilà près de 4 mois qu’elle est installée ici, et ce jusqu’au mois de juillet prochain. Actuellement elle est au service hospitalisation.

8h, c’est l’heure des transmissions avec les infirmières de nuit. Marie passe auprès de chaque patient avec Esther, celle qui va lui succéder pour la journée. Esther Simon a trente ans. Elle travaille au service réanimation depuis 6 ans au CHU de Rouen. Elle n’en est pas à sa première mission à Kaboul. En septembre 2006, elle était venue passer deux semaines à l’IMFE pour une mission de chirurgie cardiaque. Cette fois, elle est là pour trois mois.
Le relais est établi. Esther a vu chaque patient et écouté les explications de Marie qui va pouvoir regagner son lit. « Le rythme que nous avons ici n’a rien avoir avec la France. Il est beaucoup plus soutenu ». Des journées qui commencent à 8h, se terminent théoriquement à 17h. « Il nous arrive pourtant de rentrer chez nous vers 22h » explique Marie. A cela s’ajoute une garde de 24h tous les 4 jours. Le vendredi est le jour de congé en Afghanistan. « Comme nous vivons ici, à côté de l’hôpital, nous restons très disponibles et prêtes à travailler dès qu’il y a besoin » ajoute Esther.

La journée des infirmières est très remplie. Elles effectuent trois tours des patients par jour. « J’ai beaucoup appris, et sur tous les plans. Sur le plan personnel car cette expérience permet de se retrouver face à soi-même. Sur le plan professionnel j’ai acquis de l’assurance, de la confiance en moi. J’ai débordé d’énergie ». Cette expérience est un véritable défi pour Marie. « Il faut se fixer des objectifs car on a envie de tout faire en même temps ». C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait. Elle a listé 4 objectifs qu’elle aimerait voir se réaliser avant son départ: que les infirmiers sachent diagnostiquer un enfant, qu’ils comprennent l’intérêt de se laver les mains, qu’on reprenne en compte la douleur de l’enfant, et que les infirmiers assurent de bonnes transmissions.

La majorité des cas auxquels sont confrontés médecins et infirmières sont des bronchiolite-pneumonies ainsi que tout ce qui est lié à la malnutrition chez les enfants. Egalement des méningites et des tuberculoses. Les enfants arrivent parfois dans des états catastrophiques. L’hygiène est loin d’être acquise pour tout le monde. Il faut laver les petits patients de fond en comble. Les parents mettent souvent du temps à les emmener à l’hôpital. Et parfois, ils arrivent morts.

UN TRAVAIL D’ENCADREMENT

A peine âgée de 24 ans, Marie est chargée d’encadrer une quinzaine d’afghans, essentiellement des hommes. Elle gère à la fois le matériel et le planning et fait le tour des enfants avec les infirmiers pour bien leur expliquer le travail à faire.
Ces Afghans sortent d’une école d’infirmiers qui dure 3 ans, comme en France d’ailleurs. Le rôle de Marie est de les former : « j’aimerais qu’ils comprennent pourquoi on fait les choses comme ça ». Les infirmières françaises qui viennent ici en mission ne sont pas forcément habituées à leur nouveau rôle de cadre. Elles doivent s’imposer auprès du personnel et souvent repasser derrière eux pour vérifier leur travail. « Ici, c’est plutôt un travail d’encadrement. Nous avons aussi un rôle de gestion administrative. A la base nous n’avons pas de formation pour. Il faut un temps d’adaptation » explique Esther.
C’est une véritable école. « J’apprends énormément sur le plan humain » poursuit Esther qui avoue remettre sans cesse en question sa pratique professionnelle et apprendre ici à se débrouiller. « Ici, j’approfondis certaines choses. J’ai beaucoup plus de responsabilités qu’en France. Le début est dur, mais cela devient très vite intéressant » approuve Marie.
Esther affirme qu’il y a des moments qui sont assez difficiles dans sa vie d’infirmière à Kaboul : « on ne vit pas les événements de la même façon. C’est plus fort ».

Moralement, la tâche de ces infirmières n’est donc pas aisée. Marie a parfois l’impression que ça n’avance pas. Mais elle sait qu’il faut du temps et qu’il faut répéter plusieurs fois les choses avant que cela ne rentre définitivement dans les esprits des Afghans. « Ils ont beaucoup de volonté. Ils ont appris leur métier dans des conditions de guerre et donc pas forcément de manière réfléchie. Former quelqu’un, c’est long » témoigne Marie.
De plus, les infirmières françaises sont limitées dans la communication avec les parents. Ce qui rend les choses plus délicates, notamment en cas de mort. « On arrive beaucoup plus à communiquer avec les enfants qu’avec les parents ». La présence d’infirmiers afghans est selon Marie un réel avantage : ils rassurent les parents et permettent de créer un lien.

L’INFIRMIERE DOIT DEPASSER LES CLIVAGES CULTURELS

Les infirmiers afghans sont en majorité des hommes. La collaboration se passe très bien. Ils sont très motivés, constate Esther. « Quand on arrive ici, il faut être ouverte d’esprit, et connaître l’Islam ». En effet, les mœurs ne sont pas les mêmes en Afghanistan. Le rapport à la mort par exemple est loin d’être similaire à celui que l’on trouve en France. Lorsqu’un enfant meurt, les parents refusent de le laver. Ils l’enroulent complètement dans un drap et l’emmènent chez eux.

Marie et Esther doivent donc souvent donner des ordres à des hommes. En Afghanistan, le rapport homme/femme est complètement autre. Pourtant, toutes deux remarquent que leurs intégrations ont été très rapides. Elles n’ont jamais été confrontées à des problèmes particuliers. Le personnel de l’hôpital est constitué en majorité d’afghans. Ces derniers doivent eux aussi surmonter certains problèmes liés aux traditions du pays. Par exemple, créer un lien entre un médecin afghan et une infirmière afghane. Car l’hôpital est occidental mais est néanmoins obligé de respecter les coutumes locales et les mœurs. Ceci s’applique également à l’hygiène. « Il faut toujours rappeler aux infirmières de se laver les mains entre deux consultations », explique Bernard Baugey, ingénieur biomédical. « Les débuts ont été difficiles à ce niveau là. Les infirmiers ne voulaient pas faire la toilette des petites filles. Tout cela change, mais lentement » poursuit-il.
Ici, dans leur travail quotidien, Marie et Esther sont en contact direct avec la population. « On profite du pays, mais de façon différente » déclare Esther.

Dans un pays où les attentats se multiplient et où les enlèvements deviennent courants, il n’est pas forcément facile de prendre la décision de s’y rendre. Ces femmes ont pourtant fait le choix d’aller travailler en Afghanistan. Pourtant, la sécurité ne leur pèse pas. « On ne s’en rend pas compte. On est ici pour travailler. Il y a des contraintes, mais on sait qu’elles sont nécessaires » affirme Esther. Cette dernière est optimiste quant à l’avenir de cet hôpital. « Je suis agréablement surprise par cet hôpital. Je suis assez optimiste. Ca tourne sans nous » conclue-t-elle.
Les infirmières françaises ont ici un réel rôle de reconstruction de ce pays. Par leur patience et leurs qualifications, elles apportent à l’Afghanistan, ruiné par tant d’années de guerre, un nouvel espoir de lendemains plus heureux.

Constance de Bonnaventure

Attentat meurtrier à Kaboul

Recrudescence des attentats à Kaboul

C’est peut-être le début d’une nouvelle vague d’attentats à Kaboul. Dimanche matin, l’explosion d’un car de la police afghane tuait environ 35 personnes, en majorité des policiers. La veille, toujours dans la capitale afghane, une voiture piégée faisait 3 morts, et un afghan était tué par un tir « accidentel » américain.

Dimanche matin, à 8h10 (heure locale), les habitants du centre ville de Kaboul pouvaient entendre une retentissante et puissante explosion : un bus transportant des policiers afghans en était la cible. L’attentat a fait environ 35 morts, en majorité des policiers et plusieurs dizaines de blessés.
L’explosion a retentit en plein centre ville, dans un quartier très fréquenté. Juste en face du quartier général de la police et à quelques pas du Ministère de l’Intérieur afghan. La police afghane, quelques soldats de l’OTAN (Turcs et Français) ont bouclé le lieu de l’attentat, ne laissant passer qu’ambulances, policiers et journalistes.
A voir la carcasse du véhicule, l’explosion, d’une extrême violence, s’est produite à l’avant du car, soufflant le toit et propulsant jusqu’à une trentaine de mètres débris et lambeaux humains. Des éclats volants ont blessé des passants aux alentours dont deux Japonais et un Sud-Coréen. La déflagration provoquée par l’explosion a également touché deux minibus transportant des civils dont certains ont été blessés.
Les victimes ont immédiatement été transférées à l’hôpital Jamhuriat, gardé par les policiers, à quelques mètres du lieu de l’attentat. Quelques familles attendaient dans la cour. Le docteur Fazel Rahim est sorti pour annoncer qu’actuellement 35personnes recevaient des soins, toutes dans un état assez grave.
Un des porte-paroles actuel des Taliban, Qari Youssef Ahmadi, a revendiqué l’attentat au nom du mouvement islamiste, en assurant que le kamikaze était monté dans le bus de policiers. Quant aux enquêteurs de la police afghane, ils privilégient la piste d’une bombe placée à l’avant du car.
Cet attentat est le plus meurtrier à frapper Kaboul et l’Afghanistan depuis la chute du régime taliban, fin 2001. En septembre 2002, un attentat à la voiture piégée à Kaboul avait fait trente morts et une cinquantaine de blessés. Le dernier gros attentat en date touchant la région de Kaboul remonte au mois de février dernier. Il ciblait Dick Cheney, vice-président américain et tuait 24 personnes.
Kaboul est pourtant une ville placée sous haute sécurité. Ces derniers temps, on a pu remarquer le renforcement des check points de nuit, vérifiant tous les véhicules circulants dans le centre ville. La FIAS, la force d’intervention de l’OTAN, en particulier les Turcs et les Français qui ont la responsabilité de la zone de Kaboul, mène régulièrement des patrouilles de jour et de nuit. Les taliban qui ont revendiqué l’attentat ont donc réussi à passer entre les mailles du filet. La recrudescence de ces attentats suicides rappelle les techniques de guérilla irakiennes dont s’inspire de plus en plus le mouvement taliban afin de déstabiliser le gouvernement Karzai.
Plus facile à attaquer, la police afghane est très souvent prise pour cible par les insurgés taliban qui cherchent non seulement à éradiquer la présence des forces étrangères en Afghanistan.mais aussi à frapper les forces afghanes du gouvernement Karzai qui collaborent avec l’OTAN.
A quelques mètres du lieu de l’attentat et à peine une heure après, les habitants du quartier continuaient à travailler, presqu’impassibles. Et la rue retrouvait peu à peu son effervescence habituelle.

Constance de Bonnaventure

23/05/2007

Le cavalier de Kaboul


Afghanistan : Le cavalier de Kaboul

En Afghanistan, pays ruiné et dévasté par plus de 25 ans de guerre, certains arrivent à faire fructifier leurs rêves…A 28 ans, Louis Meunier fête le 5e anniversaire du jour où il a posé pour la première fois le pied sur le sol afghan. Après une enfance et adolescence tourangelles le voilà aujourd’hui à Kaboul où il travaille dans une société afghane de conseil et de publicité créée en 2003 par trois Français. Mais surtout, il se consacre pleinement à sa passion : le bouzkachi, sport national afghan où des cavaliers se disputent farouchement une carcasse de chèvre pour aller la placer dans un cercle délimité à la craie. Retour sur le parcours du jeune tchopendoz (cavalier) français…

Des yeux rêveurs, un sourire franc, Louis retrace son histoire avec l’Afghanistan à travers un discours teinté de nostalgie. A l’heure où la menace des Talibans pèse encore sur le pays, il nous offre un autre visage de l’Afghanistan.

ITINERAIRE D’UN JEUNE AVENTURIER
C’est à 23 ans que Louis Meunier foule pour la première fois le sol afghan. Après avoir passé les premiers mois de sa vie en Irak où son père était médecin, puis en région parisienne il s’installe à Fondettes. Il est scolarisé au collège Anatole France puis au Lycée Descartes de Tours. Rien ne laissait présager que Louis deviendrait le cavalier de l’Afghanistan qu’il est aujourd’hui, si ce n’est la culture familiale du voyage et son rêve d’un jour découvrir les steppes d’Asie Centrale. Diplômé d’une école de commerce parisienne, il arrive en Afghanistan début 2002 un peu par hasard. Alors qu’il avait postulé pour un poste au Tadjikistan il est finalement envoyé à Maimana au Nord de l’Afghanistan, un des fiefs du bouzkachi. A peine arrivé, Louis reprend l’équitation et s’entraîne chaque matin. Il participe à ses premiers bouzkachis dans cette province du nord. Il se souvient de ses cours pris à l’école militaire de Tours. Ce qui l’intéresse c’est « la complicité qui existe entre l’homme et le cheval ». La lecture du roman de Joseph Kessel, Les Cavaliers, est pour lui une révélation : « Kessel me donne l’envie de rester en Afghanistan ». Plus d’un an après, il doit regagner France.
Deux ans plus tard, en juillet 2005, Louis choisit de réaliser un de ses rêves et démissionne de son poste en France. Son projet : suivre les traces d’Ouroz, héros des Cavaliers de Kessel en effectuant le trajet Maimana-Bamiyan-Herat à cheval. Périple d’un mois et demi qui se terminera péniblement pour Louis puisque très malade, il est rapatrié en France.



LE BOUZKACHI
Sport national afghan, le bouzkachi est une très ancienne tradition provenant des steppes d’Asie Centrale. Il se pratique les vendredis ou jours de fêtes (jour de congé en Afghanistan), en période hivernale. Ce sport met en jeu des cavaliers se disputant une carcasse de chèvre ou de veau. Les règles sont variables : 2 ou 3 équipes de tchopendoz (cavaliers) s’affrontent pour s’arracher l’animal et en déposer la carcasse dans un cercle délimité à la craie. Les cavaliers sont chaussés de bottes à longs talons en bois, leur permettant de caler leurs pieds dans l’étrier. Ce spectacle violent et sublime à la fois a été excellemment relaté par l’écrivain et journaliste Joseph Kessel dans son œuvre intitulée Les Cavaliers, adaptée à l’écran par Pierre Schoendoerffer dans La Passe au Diable.



NAISSANCE D’UN VERITABLE TCHOPENDOZ

Mais une fois de plus, l’envie de retrouver l’Afghanistan le taraude. En mars 2006, il devient directeur financier chez Altai Consulting, société afghane de publicité et de communication. Il s’installe à Kaboul et s’achète deux chevaux locaux. C’est alors qu’il reprend le bouzkachi qui plus qu’un sport devient pour lui une véritable passion : « c’est beau et enivrant. La mêlée a quelque chose de vivant et de frénétique ». C’est aussi pour lui une façon de se rapprocher du peuple afghan : « pratiquer le bouzkachi est pour moi une belle manière de pénétrer la culture afghane et de m’intégrer ici ». Il remarque que sur un cheval, l’homme est immédiatement respecté. Pari gagné puisque Louis a été chargé cette année de constituer la nouvelle équipe de Kaboul même s’« il a fallu quand même se battre pour se faire une place ». Pour autant, le tchopendoz français regrette la perte de tradition voire la perversion de ce sport : « aujourd’hui, la pratique du bouzkachi à Kaboul est difficile car elle dépend parfois des chefs de guerre ».

Dans quelques mois, Louis quittera probablement l’Afghanistan, avec la ferme intention d’y revenir pour garder son rôle de tchopendoz. Mais avant tout, Louis veut payer son tribut à Joseph Kessel : « je lui dois tout ce que je suis ici ». Pour cela, il défend la cause des chevaux afghans qui se font de plus en plus rares. Ainsi, il récolte de l’argent destiné à rénover les écuries ou encore aplanir les espaces vierges pour que Kaboul ait son véritable terrain, en un mot, préserver la tradition afghane du bouzkachi. « Je n’ai que des rêves mais c’est ce qui tient en vie ».

Pour contacter Louis Meunier et apporter son soutien aux chevaux de l’Afghanistan, rendez-vous sur son blog : http://mambo.blogspirit.com/

Constance de Bonnaventure

Mort du mollah Dadullah

LE FIGARO
Publié le 14 mai 2007

Actualité International Kaboul
CONSTANCE DE BONNAVENTURE.

Le mollah Dadullah a été tué samedi par les forces afghanes et celles de l'Otan dans la province du Helmand. IL ÉTAIT l'un des principaux chefs talibans en Afghanistan, commandant militaire de la milice islamique pour le sud du pays. Une quarantaine d'années, unijambiste, la barbe broussailleuse et le regard noir, le mollah Dadullah était sans aucun doute le chef militaire le plus redouté de la région. Il a été tué dans la nuit de samedi à dimanche lors d'une opération conjointe des forces afghanes et de l'Otan dans la province du Helmand, selon les autorités afghanes. L'Otan a confirmé la nouvelle. Les talibans, quant à eux, la démentent catégoriquement et parlent de « propagande ». Ils promettent un prochain enregistrement prouvant que Dadullah est encore en vie. Pourtant, hier, le gouverneur de Kandahar, Assadulah Khalid, exhibait le corps du mollah Dadullah devant la presse. « Le mollah Dadullah sera très certainement remplacé, mais un coup important a été porté contre l'insurrection », a commenté hier la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf), qui dépend de l'Otan. Pour elle, si l'on tient compte du rôle du mollah Dadullah au sein de la rébellion, il s'agit d'une victoire non négligeable. Il était l'un des hommes les plus recherchés d'Afghanistan, responsable des attaques dans le sud du pays, un des piliers de la milice islamique, proche du mollah Omar, chef spirituel des talibans. Célèbre pour sa férocité, il a été comparé à Abou Moussab al-Zarqawi, l'ancien chef d'al- Qaida en Irak, tué par un raid américain. Originaire de la province de l'Ourouzgan, proche de Kandahar, le mollah Dadullah a rejoint dès sa création le mouvement taliban, en 1994, au côté du mollah Omar, après avoir combattu les troupes soviétiques dans les années 1980. La perte de sa jambe gauche ne l'empêche pas de poursuivre ses activités guerrières. En 2001, il est tenu pour responsable du massacre d'au moins 170 civils dans la province de Bamiyan. Apôtre des attentats suicides C'est en 2004 qu'il est nommé à la tête des opérations pour le sud et l'ouest de l'Afghanistan. Il devient vite membre du comité exécutif des talibans, qui compte dix personnes. En 2005, il a un rôle décisif dans la préparation de l'offensive des talibans : c'est notamment à lui que l'on doit la généralisation des attentats suicides dont il fait la propagande par l'intermédiaire de vidéos. Dès lors, le mouvement taliban s'inspire des techniques de la guérilla irakienne. Le mollah Dadullah s'est aussi vite posé comme l'interlocuteur obligé des Occidentaux. Il est impliqué dans plusieurs actes terroristes et assassinats d'Occidentaux ou d'Afghans. Lors de l'enlèvement du journaliste italien Daniele Mastrogiacomo, Dadullah négocie sa libération, le 19 mars dernier, en échange de cinq talibans, dont l'un n'est autre que son frère. Quelques jours plus tard, il ordonne la mise à mort de l'interprète de Mastrogiacomo - le chauffeur ayant été tué auparavant -, ce qui avait suscité une vive émotion au sein de la population afghane. Kaboul accuse aussi Dadullah d'avoir ordonné l'exécution d'un délégué suisse de la Croix-Rouge qui avait été enlevé dans le sud de l'Afghanistan en 2003. Lors de l'affaire des caricatures de Mahomet, il aurait promis une récompense de 100 kilos d'or pour chaque assassinat de caricaturiste. Dadullah est l'un des plus hauts responsables talibans à être tué depuis la chute du régime en 2001. Pour le mouvement taliban, c'est une perte importante dont on ne sait si elle peut suffire à déstabiliser l'insurrection. L'intensité des combats de l'été apportera un début de réponse.

http://www.lefigaro.fr/international/20070514.FIG000000297_un_important_chef_taliban...

Ultimatum des taliban pour la libération des otages

LE FIGARO

Publié le 6 mai 2007
International

Afghanistan : l’ultimatum pour la libération des otages est repoussé.

L’ultimatum pour la libération d’Eric Damfreville, l’humanitaire français de l’ONG Terre d’Enfance et de ses trois collaborateurs afghans prisonniers des talibans depuis le 3 avril dernier a une fois encore été repoussé. Initialement fixé au résultat des présidentielles françaises, il est maintenant reporté à la formation du nouveau gouvernement français, soit après le 17 mai, date de la prise de fonction du prochain président. « Comme les élections se poursuivent en France, le conseil de direction des taliban a repoussé l’ultimatum à la formation d’un nouveau gouvernement » a déclaré à l’AFP Yousuf Ahmadi, un porte-parole des taliban. A cette annonce, le Quai d’Orsay a privilégié une fois encore la discrétion et n’a pas souhaité s’exprimer.

Cette décision des taliban montre que la milice islamiste est très attentive à la vie politique française et qu’elle attend du prochain président qu’il réponde à ses requêtes. Ces revendications sont au nombre de deux : d’une part le retrait des troupes françaises d’Afghanistan, d’autre part, la libération de prisonniers taliban. Nicolas Sarkozy, puis, le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, avaient déclaré la semaine dernière que les forces françaises « n’ont pas de vocation à rester en Afghanistan ». Les taliban attendraient alors pour négocier avec un nouveau gouvernement.

En Afghanistan, 210 français sont enregistrés dans les fichiers de l’ambassade de France. La plupart vivent à Kaboul, travaillant pour des ONG ou des entreprises privées. Tous se sentent extrêmement concernés par cet enlèvement et avouent avoir quelque peu changé leurs habitudes. Les ONG ont renforcé leurs mesures de sécurité. « Il faut prendre en compte cette recrudescence d’enlèvements. Nous gardons nos mesures de sécurité habituelles en les renforçant » explique Thierry Laurent-Badin, chef de mission chez Action contre la Faim. La quinzaine d’expatriés français de cette ONG se dit marquée par l’enlèvement. Pour Marie de Moussac, chargée des relations publiques à l’Union des Journalistes Afghans, la vigilance se traduit par de petits gestes quotidiens : « Je ferme toujours les portes de la voiture à clef, je ne reste pas dans les embouteillages, je ne sors jamais seule ». Même si elle n’est pas angoissée au quotidien, Marie s’inquiète de l’avenir. « Le plus effrayant est de constater que les taliban continuent à enlever des occidentaux pour faire pression sur le gouvernement Karzai ».

Ici, tous les Français attendent la fin de l’ultimatum et espèrent une proche libération d’Eric et de ses trois collaborateurs. L’annonce des talibans a d’ailleurs étonné certains. « Je ne pensais pas que les talibans suivaient l’actualité française à ce point » s’étonne Marie. « Nous n’avons qu’à attendre et espérer » déclare Thierry.

Dimanche soir, les Français de Kaboul étaient tous réunis devant leurs écrans télévisés pour suivre les résultats du second tour. Plusieurs soirées électorales étaient organisées dans les diverses maisons. La nouvelle du report de l’ultimatum pour la libération d’Eric et de ses trois accompagnateurs était aussi au cœur des discussions et des appréhensions.

Constance de Bonnaventure

Prise d'otages en Afghanistan

LE FIGARO

Publié le 16 avril 2007
Actualité International Kaboul
CONSTANCE DE BONNAVENTURE.


Quelque 210 Français travaillent en Afghanistan, la plupart à titre humanitaire. Tous appliquent des règles relativement strictes de sécurité et excluent jusqu'ici de quitter le pays. MALGRÉ l'enlèvement de Céline et d'Éric, les ONG et les entreprises françaises présentes en Afghanistan refusent de se laisser gagner par la psychose. Toutes jusqu'ici veulent poursuivre leurs actions en Afghanistan. Mais la vigilance est plus que jamais de mise. La plupart ont renforcé les mesures de sécurité. La France fait partie du paysage humanitaire afghan depuis les années 1970. Une vingtaine d'ONG françaises sont présentes en Afghanistan. Leur action porte surtout, depuis six ans, sur un travail de reconstruction et de développement. Au total, 210 Français sont enregistrés à l'ambassade de France. Les règles de sécurité varient d'une ONG ou entreprise à l'autre, en fonction de leurs activités, mais aussi de leurs moyens financiers. Chez Handicap international (HI), habitations et voitures sont banalisées et les gardes ne sont pas armés. Les humanitaires d'Handicap international ne peuvent cependant se déplacer qu'en véhicule HI. Un radio-opérateur suit leurs moindres mouvements : les expatriés sont localisés en permanence. Certains lieux sont autorisés, d'autres fortement déconseillés. Les femmes ne sortent jamais seules. Tous les jeudis soir, Arnaud Quemin, chef de mission d'HI, organise une réunion pour rappeler les consignes de sécurité. Véhicule banalisé Handicap international est présente à Kaboul, dans le Helmand, à Hérat et à Kandahar pour des missions ponctuelles. HI a ouvert un centre de kinésithérapie et d'orthopédie au sein de l'hôpital régional de Kandahar. Arnaud s'y rend en avion. Sur place, il utilise un véhicule banalisé et se limite à des trajets entre sa maison, l'hôpital et son bureau. « Le risque d'enlèvement a été pris en compte dès le début », affirme-t-il. Mathieu Beley vit en Afghanistan depuis bientôt quatre ans. Diplômé d'HEC, il a créé Gulestan, une entreprise de distillerie d'huiles essentielles implantée à Jalalabad, dans l'est du pays. Ses employés sont uniquement des Afghans. « Je ne m'impose aucune règle de sécurité dans les régions où j'ai l'habitude d'aller. » En contrepartie, Mathieu est toujours accompagné d'un local. « On sait que je suis un invité de la population. » Il voyage en taxi collectif et, la plupart du temps, est habillé à l'afghane. « Certes, il y a un risque, reconnaît-il. Mais il serait tout aussi dangereux pour la communauté occidentale de se replier sur elle-même. » Mathieu parle la langue locale, le dari. Il arrive ainsi à se fondre dans la population afghane. Pour lui, c'est la clé de la confiance. « Et cela fonctionne, puisqu'on me rappelle chaque jour à quel point on aime les Français dans ce pays ! » constate-t-il. « On évite de sortir de Kaboul » Franco-afghan, Ehsan Mehrangais dirige l'ONG Afghanistan Demain dont l'objectif est de recueillir et réinsérer les enfants des rues. Il travaille avec deux expatriées françaises. Grand connaisseur de l'Afghanistan, il n'en reste pas moins sceptique sur l'avenir de la sécurité ici : « On y pense, mais on continue à travailler. Maintenant, nous évitons de sortir de Kaboul et je n'autorise plus de week-ends en province. » Il explique que la situation s'est détériorée non seulement depuis l'enlèvement des deux humanitaires français, mais aussi à cause de la mort de l'interprète afghan de l'otage Daniele Mastrogiacomo. « Les Afghans sont énervés et en veulent terriblement au gouvernement Karzaï », explique Ehsan. Le président Hamid Karzaï avait accepté de relâcher cinq prisonniers talibans contre la libération, le 19 mars, du journaliste italien, mais son interprète avait été décapité quelques jours plus tard faute d'un accord similaire.

http://www.lefigaro.fr/international/20070416.FIG000000311_les_ong_francaises_redoubl ...

Enlèvement de deux humanitaires français dans le Nimroz

LE FIGARO
Publié le 6 avril 2007

Kaboul
CONSTANCE DE BONNAVENTURE.

Les talibans en lutte contre le pouvoir proaméricain de Kaboul ont revendiqué l'enlèvement des deux humanitaires. La police poursuivait les recherches vendredi pour tenter de les retrouver, dans la le sud-ouest du pays. À KABOUL, les expatriés français étaient inquiets hier après la confirmation de l'enlèvement par les rebelles talibans, mardi, de deux humanitaires français de l'organisation non-gouvernementale (ONG) Terre d'Enfance. Un homme et une femme, ainsi que leurs trois guides afghans, ont disparu dans la province de Nimroz, située dans le sud-ouest du pays, entre la province du Helmand et l'Iran. Leur enlèvement a été revendiqué par les talibans, mercredi par un porte-parole, puis de nouveau hier sur un site Internet. Le gouverneur de la province de Nimroz, Gulam Dastgir Azsad, a accusé les deux victimes de n'avoir pas respecté les consignes de sécurité. « Ils n'ont pas informé les autorités de leur voyage, et leur négligence est responsable de leur enlèvement », a-t-il dit à l'AFP. Le Quai d'Orsay et l'ambassade de France à Kaboul se sont mobilisés pour obtenir leur libération. « Comme toujours en ce genre de circonstances, nous nous en tiendrons à la plus grande discrétion », a déclaré le porte-parole du ministère. Composée d'une équipe de deux Français et de huit Afghans, Terre d'Enfance s'occupe de défendre le droit à l'éducation. Fondée en 2002, l'ONG a ouvert son centre d'animation et d'éducation dans la province de Nimroz, à Zaranj, à la frontière avec l'Iran. Depuis plus d'un an, on note une recrudescence de la violence dans cette région, proche du Helmand, fief des talibans. Les deux Français voulaient rejoindre la province de Farah. Ils avaient l'habitude de se déplacer en avion pour parcourir de longues distances. Mais ce jour- là, pour une raison indéterminée, ils ont pris la route. « Cibles potentielles » Près de 300 Français sont enregistrés sur les fichiers de l'ambassade de France à Kaboul. Ils travaillent pour des ONG ou associations liées à l'humanitaire. Ils sont, pour la plupart, soumis à de strictes règles de sécurité, comme le fait de se déplacer avec un chauffeur ou encore la nécessité d'avoir des gardes devant les maisons. Pour Thomas Hugonnier, chef de mission pour l'ONG Solidarités, « cet enlèvement fait comprendre aux expatriés qu'ils peuvent aussi être des cibles potentielles ». Solidarités travaille à Kaboul, Bamiyan et Samangan, des provinces du Nord. « Nous n'irions pas nous installer dans le Sud. Je considère que dès lors qu'il y a de l'insécurité, on ne peut faire du bon travail », dit Thomas Hugonnier. Arnaud Quemin est responsable d'Handicap International en Afghanistan. Basée à Kaboul, l'ONG a des antennes dans le Sud. « La sécurité est primordiale ici. Pas de négligence : il faut respecter en permanence les mesures imposées. » Handicap International a fait le choix de ne pas placer d'expatriés permanents dans ces régions. « Cet événement montre qu'il ne faut pas faire preuve d'imprudence. » Tous les jeudis soir, Arnaud Quemin organise un point sécurité ; une liste de restaurants autorisés est affichée dans le hall de sa maison d'hôtes, et un radio-opérateur suit les moindres mouvements de chacun. Mêmes principes chez la plupart des ONG. Pour Marc Victor, patron du restaurant français de Kaboul, lieu privilégié de la population expatriée, le danger ne concerne pas directement la capitale afghane : « Kaboul est une ville beaucoup plus contrôlée que le reste du pays. » Marc Victor doit répondre aux critères de sécurité de l'ONU pour être sur la liste des restaurants autorisés aux expatriés : murs de plus de trois mètres de haut, films plastifiés aux fenêtres, gardes armés dans les rues. Dans le Nimroz, les recherches se poursuivent. 200 policiers ont été déployés sur toute la province. Le ministère de l'Intérieur afghan a déclaré avoir ouvert une enquête, mais les motifs de l'enlèvement restent encore inconnus.

http://www.lefigaro.fr/international/20070406.FIG000000211_inquietude_a_kaboul_apres_...