Le18 août dernier 10 soldats français sont morts en Afghanistan dans une embuscade tendue par un groupe d’insurgés près de Surobi, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Kaboul. Trois semaines plus tard il reste encore beaucoup de zones d’ombre sur les circonstances et le déroulé de cet accrochage. Et la polémique ne cesse d’enfler…Qui a tendu cette embuscade ?Toutes les sources locales s’accordent pour dire que l’embuscade tendue aux français a été conjointement menée par des combattants du Hezb-e-Islami (groupe d’opposition islamiste armé) et des taliban. « Même s’ils n’ont pas les mêmes méthodes d’action, ces deux groupes ont les mêmes objectifs : faire partir les forces étrangères » explique un conseiller politique aux Nations Unies, spécialiste de la région. La vallée d’Uzbin, lieu où ont été attaqués les soldats français est un des fiefs du Hezb-e-Islami. La zone est stratégique : l’objectif des insurgés est de contrôler la route qui relie Kaboul à Jalalabad, la grande ville de l’est, afin qu’armes et Taliban transitent du Pakistan vers l’Afghanistan. Les attaques contre les convois militaires se multiplient et la route est marquée par des traces de voitures brûlées.
Reste à savoir si des combattants étrangers (Arabes, Tchétchènes, etc.) liés à Al-Qaïda ont participé à l’attaque. Lutfullah Mashal, gouverneur du Laghman (province qui jouxte Surobi) confirme leur présence dans sa région. Ce que certifie un conseiller politique des Nations Unies : « même si les taliban afghans n’aiment pas être commandés par des étrangers, on sait qu’il y a des militants d’Al-Qaeda qui viennent du Pakistan».
Circonstances de l’attaque ? L’attaque n’aurait pas été préparée à l’avance par les insurgés. A Surobi, nous rencontrons Farid (son nom a été changé), militant du Hezb-e-Islami et proche des combattants qui ont tendu l’embuscade. Il explique qu’aucun ordre n’avait été donné par la hiérarchie talibane ou Hezb-Islami. « Au départ, il n’y avait qu’un petit groupe d’une vingtaine de militants locaux du Hezb-e-Islami et l’initiative de l’attaque a été prise par un petit commandant local ». Quand ils ont vu l’ampleur que prenait la bataille, des taliban se sont joints à eux et des villageois auraient pris les armes aux côtés des insurgés, ce que confirme le gouverneur du Laghman. Ce dernier ajoute que les insurgés ont été prévenus qu’une patrouille des forces de l’OTAN s’approchait. « Les insurgés n’ont certainement pas eu besoin de préparer cette attaque. Pour eux c’était facile étant donné la géographie du lieu. Les Français ne pouvaient rien faire, ils étaient coincés dans cette vallée encaissée » explique un conseiller politique des Nations Unies.
Sur son lit d’hôpital dans la base militaire française, le lieutenant Ronald raconte. « On était complètement encerclés. Les mecs tiraient avec précision, c’était surprenant, ils arrivaient à viser les véhicules».
Les Français étaient ils renseignés sur la vallée d’Uzbin ? « Notre patrouille n’était qu’une mission de reconnaissance » précise le lieutenant Romuald. « Les Italiens, qui étaient en charge de cette zone avant nous, nous ont dit que c’était dangereux » témoigne pourtant anonymement un soldat. Même mise en garde côté villageois, « le directeur de l’école de Spir Kundi (l’endroit où a eu lieu l’attaque), leur avait dit de ne pas aller plus loin ».
Comment les français ont été tués ?
Plusieurs questions restent sans réponse, notamment sur la manière dont ont été tués les soldats français. L’armée française nie qu’ils aient été enlevés puis torturés. Connaissant les méthodes des insurgés, il n’est cependant pas impossible qu’ils aient utilisé des armes blanches. D’après Luftahllah Mahsal les combattants ont récupéré plusieurs fusils français Famas. Quant au sort de Perwiz, l’interprète afghan des Français, il est connu. Il a bien été torturé et son corps a été retrouvé mutilé.
Beaucoup d’éléments restent à vérifier afin que tout soit clair. Une certitude toutefois : en se déployant dans ces zones de conflit, la France devient désormais une cible privilégiée pour les insurgés afghans.
Constance de Bonnaventure
(Le Parisien du 4 septembre 2008)