Qui êtes-vous ?

Jerusalem, Israel
Journaliste indépendante, je suis installée à Jérusalem depuis septembre 2009, après avoir vécu à Kaboul (Afghanistan)de janvier 2007 à décembre 2008. Lors de ces deux années, j'ai couvert pour plusieurs media, l'actualité afghane. Presse écrite, radio ou encore télé, j'ai multiplié les collaborations en radio et presse écrite. Correspondante de RFI, RTL, Radio Vatican, France Info, France Inter, France Culture et I télé, Le Parisien, L'Equipe Magazine, Le Figaro, Figaro Magazine, CB News, La Nouvelle République. Rentrée pour quelques mois en France, j'ai effectué quelques CDD chez RFI avant de repartir m'installer à l'étranger.

25/10/2008

Palwasha Kakar, vice ministre des affaires féminines, portrait d'une lutte quotidienne

En plein centre-ville de Kaboul, on passe un barrage surveillé par la police, direction la fouille, avant de pouvoir pénétrer au sein du Ministère afghan des Affaires Féminines. C’est ici que Palwasha Kakar, 40 ans, vice-ministre des Affaires Féminines, occupe à elle seule un grand bureau. Comme la plupart des bâtiments publics de Kaboul, ce ministère est une cible potentielle pour les attentats. La haute sécurité est donc de rigueur.
Ses trois téléphone portables sonnent en permanence, sa secrétaire lui annonce plusieurs rendez- vous. Active et déterminée, elle l’est. Avant d’arriver à ce poste, Palwasha Kakar a multiplié les expériences de terrain : pendant près de 20 ans, elle a combattu les injustices envers les femmes. « Les Afghans me connaissent, non pas pour ce que je suis aujourd’hui, mais pour mes actions passées. Avant j’étais tout le temps avec les gens, même pendant la guerre » raconte-t-elle.
Palwasha Kakar fait partie du gouvernement afghan d’Hamid Karzai. Un poste officiel qu’elle juge contraignant, elle qui fut une activiste pendant des années. Pourtant, elle est un des rares exemples parmi les femmes afghanes, à avoir su et pu contourner presque tous les obstacles à sa réussite. Retour sur un parcours bourré d’embûches et sur une lutte interminable…
Aujourd’hui Palwasha Kakar est littéralement désabusée. Elle n’a plus la foi d’antan. « Moi je suis une activiste, donc aujourd’hui je suis malheureuse dans ce bureau. Je suis en prison, je ne peux même pas sortir de la maison ! ». Pourtant, elle explique qu’elle n’a pas le choix. C’est entre autre par mesure de sécurité qu’on lui a proposé ce poste. Depuis quelques temps elle est devenue l’objet de menaces récurrentes, non seulement de la part des Taliban mais aussi d’anciens chefs de guerre qui contestent son pouvoir. « J’ai reçu plusieurs menaces de mort m’accusant d’aimer les Etats-Unis. Je suis nerveuse maintenant, j’ai peur de tout, c’est trop dangereux. C’est aussi pour ça que je suis revenue à Kaboul. C’est plus sur de travailler au ministère ». Comme beaucoup d’autres femmes afghanes, Palwasha risque sa vie, simplement en travaillant. En septembre dernier, Malalai Kakar, la policière la plus connue d’Afghanistan a été assassinée à la porte de son domicile. Assassinat revendiqué par les Taliban, mais dont les circonstances sont encore troubles. D’autres femmes comme des journalistes célèbres ont été tuées en 2008. Malgré l’instauration d’une république en Afghanistan, Palwasha Kakar se plaint de la très faible liberté d’expression : « je n’ai pas le droit d’ouvrir ma bouche. Je ne sais même pas qui me supporte. Avec la position que j’ai, je ne peux pas parler honnêtement ».
Pour Palwasha Kakar, le pays est en guerre et toute une partie de la population est oubliée de l’aide internationale. Elle déplore que le Ministère des Affaires féminines ne travaille qu’à Kaboul et que beaucoup d’officiels ne connaissent pas la province. « Les ONG ne vont pas dans les endroits où ça va mal. Elles restent seulement à Kaboul, là où il y a la sécurité ! Actuellement, personne ne travaille dans le sud, là où pourtant on aurait besoin de nous. Mais notre ministère n’a aucun budget et aucune idée… Les femmes afghanes savent que ce ministère existe mais elles se demandent à quoi ça sert ! Ce ministère est simplement politique »…c’est un tableau noir de la situation que dresse Palwasha Kakar.
Dans cette période de reconstruction amorcée en 2001 par l’afflux de l’aide internationale, le droit des femmes est loin d’être une priorité. Pourtant, on a voulu les intégrer aux programmes de reconstruction. Par exemple en politique : le Parlement comprend 25% de femmes ; Hamid Karzai a nommé à Bamyan une femme gouverneur et de nombreuses femmes sont policier. En matière d’éducation également où le gouvernement a multiplié la construction d’écoles pour filles et appuyer la formation de professeurs féminins. Beaucoup de problèmes subsistent : les femmes ne sont pas encore suffisamment formées pour endosser des rôles à responsabilité. Il faudra encore des années pour qu’elles prennent leur place. Et comme le souligne Palwasha Kakar, il faut avant tout que les mentalités changent. « On ne peut imposer une libéralisation des mœurs ! Les femmes ne vont pas dans les restaurants, ne choisissent pas leurs maris, ne travaillent pas. On est loin de l’égalité des sexes ! ».

Palwasha a grandi à Jalalabad, grande ville à l’est de l’Afghanistan, proche de la frontière avec le Pakistan. Elle évolue dans une famille aisée proche du roi Zaher Shah, de l’ethnie pachtoune, bercée dans un univers empreint de modernité et de culture. Fille ainée d’une fratrie de huit sœurs, elle passe beaucoup de temps avec sa grand-mère, poétesse et femme libérale qui sera pour elle un modèle.
En 1979, au moment de l’invasion soviétique, la famille de Palwasha souffre du régime communiste. Le père est arrêté puis emprisonné. De déménagement en déménagement, la vie douce et paisible de Jalalalabd était bien révolue. A 18 ans, au lieu de se marier comme la majorité des jeunes filles de son âge, Palwasha privilégie sa carrière et entre comme stagiaire dans la grande station radio de Kaboul. Une fois par jour, elle présente le journal de l’économie et devient petit à petit une animatrice connue et réputée. Mais son refus de joindre le Parti Communiste lui coutera très cher : si Palwasha ne prend pas sa carte du parti, elle ne sera pas engagée. C’est ici que prend fin sa carrière de journaliste. Palwasha reprend alors ses études à l’université de Kaboul en 1984. Diplômée de la faculté de Sciences Sociales, Palwasha devient professeur. Elle s’intéresse particulièrement aux cas de jeunes filles qui, mariées, ne peuvent plus suivre les cours.
L’heure est venue pour elle de se marier. Kabir Kakar demande sa main à son père. Un choix qu’elle ne regrettera jamais. Son mari a toujours soutenu ses ambitions professionnelles. Aujourd’hui, Palwasha Kakar est mère de 4 garçons. « Mon mari me soutient. Il accepte beaucoup de choses pour moi. Il prend des risques. »
En 1992, l’Afghanistan est en proie à une guerre civile sanglante. Palwasha quitte Kaboul pour Jalalabad où pendant près de deux ans, elle travaille comme professeur principale dans un collège. Elle trouve ensuite un poste à l’UNICEF qui l’amène à se promener de villages en villages. C’est à ce moment-là qu’elle découvre les conditions de vie des femmes en zones rurales: pas d’éducation, beaucoup d’enfants et pas grand-chose pour les nourrir. Elle commence alors à organiser des réunions de femmes avec l’accord des mollahs.
Lorsque les Taliban arrivent au pouvoir en 1996, Palwasha espère qu’ils apporteront la sécurité. Mais pendant quelques mois, elle est obligée de rester chez elle et doit cesser ses activités professionnelles. « Sous les taliban, on n’a pas pu travailler pendant 6 mois » témoigne Palwasha. Sitôt qu’elle sortait de chez elle, toute femme devait porter la burka et être accompagnée par un membre de sa famille. Complètement isolée, interdite de travail, Palwasha commence à désespérer. Son mari la tient au courant de la situation des femmes sous le régime taliban. Quelques mois plus tard, après des négociations avec les Taliban, l’UNICEF la rappelle. Palwasha est alors chargée des programmes de vaccinations des enfants. Elle en profite aussi pour reprendre discrètement les discussions avec les femmes des villages et monte des écoles clandestines. « Sous les moudjahidines, les principaux problèmes étaient l’insécurité et la corruption. Sous les taliban, c’était le port de la burka et les femmes qui ne peuvent pas travailler » analyse Palwasha.
Mutée à Hérât en 1998, après un bref passage au Pakistan, Palwasha s’occupe des femmes qui s’immolent par le feu. En 2001, après la chute du régime taliban, Palwasha est pleine d’espoir. La Commission Afghane Indépendante des Droits de l’Homme, institution mise en place après les accords de Bonn et chargée de promouvoir les droits de l’homme la recrute. Elle y passe trois ans comme responsable des droits de la femme, puis devient en 2006 la responsable régionale de cette institution. Ses domaines : les enfants, la justice ou encore les droits de l’homme. « Je comprends bien la situation car je parle beaucoup de dialectes et je me suis promenée dans beaucoup de districts » précise-t-elle.
Pour bon nombre d’Afghans, l’espoir de 2001 né de la chute du régime taliban s’est évaporé pour faire place à un découragement général. Sept ans après la chute des taliban, l’insécurité est palpable et les conditions de vie ne sont pas améliorées, selon les Afghans. « Les femmes ne se sentent pas en sécurité, même dans Kaboul. Regardez, pas une seule ne marche seule dans les rues après 17h. La sécurité était meilleure sous les taliban » déplore Palwasha qui poursuit « aujourd’hui la situation des droits de la femme est meilleure, du moins à Kaboul... Mais les femmes sont loin d’être indépendantes. Elles ne reçoivent quasiment aucune éducation. Et elles souffrent toujours des mariages forcés ou encore de violences conjugales».
Aujourd’hui, Palwasha voudrait quitter l’Afghanistan. Mais pour aller où se demande-t-elle ? « Je voudrai parcourir le monde entier pour que chacun sache ce qu’il se passe ici ! ». Son rêve… changer les esprits des hommes sur les femmes, mais aussi les mentalités des femmes afin qu’elles prennent elles-mêmes leur destin en main.

Les paras français abandonnent un poste de tir missile après une embuscade

L'embuscade s'est déroulée dans la vallée d'Alasai, province de Kapisa à l'est de Kaboul où des soldats français sont déployés depuis cet été. Ils étaient 300 parachutistes français du 8e RPIMA à effectuer une patrouille de reconnaissance quand il se sont fait attaqués par une centaine d’insurgés taliban samedi 25 octobre. Les combats, très violents, ont duré plus de deux heures et les insurgés étaient très bien organisés selon le lieutenant colonel Louisfert, porte parole de l’armée française à Kaboul. Pas de victimes côté français mais les parachutistes ont du abondonner un poste de tir et deux missiles anti char, une arme capable de détruire des véhicules militaires blindés. Abondon qui peut être problématique si les insurgés réussissent à se servir de telles armes. Mais selon l'armée française, l'utilisation de ces postes de tir nécessite une formation spécifique.

En plein combat, voyant qu'ils ne pouvaient récupérer ces missiles, les soldats français ont alors tenté de les détruire, d'abord avec des tirs de mortier. Mais ils étaient trop près d'habitations de civils afghans et n'ont pu demander un soutien aérien par peur des dommages collatéraux. Les soldats français ont alors quitté les lieux du combat. Selon l’armée française, 14 insurgés ont été tués lors de ces affrontements.

Ce n’est que 5 jours après cet événement que l’armée française apporte des détails sur le déroulé de cette embuscade. Lors des affrontements du 18 août qui avait couté la vie à 10 soldats français, les informations étaient parvenues plus rapidement mais de manière moins précise. Rappelons que les soldats français qui ont été pris dans l’embuscade de samedi, appartiennent au même régiment que ceux qui ont perdu la vie le 18 août dernier lors de violents affrontements à l’est de Kaboul.

16/10/2008

Premiers pas vers les élections présidentielles...



Les hauts parleurs accrochés à la voiture tapissée de posters d’information retentissent dans le bazar de Charikar, ville de la Chamalie au nord de Kaboul : « Venez chercher vos cartes d’électeurs. Vous avez un mois pour vous enregistrer ! ». Au total, 4 bureaux ont été installés pour l’occasion dans des bâtiments publics de la ville: écoles, cliniques ou encore mosquées.

Au lycée Sadeqi, deux bureaux ont été ouverts : un pour les femmes, l’autre pour les garçons. Des policiers surveillent les entrées principales. Ce matin, on se bouscule pour récupérer sa nouvelle carte. Outre les nombreux jeunes qui ont atteint la majorité, ce sont aussi les réfugiés qui reviennent d’Iran ou du Pakistan qui ont besoin de s’enregistrer. Dans ce pays où 60% de la population a moins de 25 ans, les jeunes représentent une grande partie de l’électorat.

Wajia, bientôt 18 ans, uniforme noir et petit voile blanc, attend son tour pour se procurer sa première carte. « Je suis ici parce que je veux choisir le président du futur de notre pays. Je veux que l’Afghanistan se redresse. Notre président va surement construire des routes et des choses comme ça pour améliorer notre quotidien. » Wajia sait déjà qu’elle ne revotera pas pour Hamid Karzai. L’enthousiasme de ces jeunes est très vite balayé par les amertumes des électeurs de 2004. Il faut dire que la population afghane n’a pas vu son niveau de vie s’améliorer autant qu’elle pouvait l’espérer en 2001. Rien qu’à Kaboul, la capitale, les habitants n’ont qu’environ 2 heures d’électricité par jour et très peu d’eau courante.

Direction le petit village de Roja Sarayan à quelques minutes de Charikar. « Je préfère encore voter Georges Bush qu’Hamid Karzai ! » dit à moitié en riant le malek, autrement dit le chef du village. Ici, les habitants veulent du concret, comme Adul Qadir qui déclare : « je voterais pour celui qui fait le paquet de farine à 5000 afghanis (80 euros) ».

A peine arrivé dans le village, Qasim Ahmad, chargé de la campagne d’information sur l’enregistrement des électeurs, emprunte le micro de la mosquée pour passer son annonce aux villageois. Des posters sont collés un peu partout. Qasim Ahmad n’a pas une mission facile : il doit aller de village en village pour expliquer aux habitants l’intérêt de la carte d’électeurs. Une mission délicate qui lui impose de bien évaluer la politique des zones dans lesquelles il se rend. « Bien évidemment, on précise aux gens que ça n’engage à rien, et qu’ensuite ils pourront voter pour celui qu’ils veulent. On leur explique que s’ils ne votent pas ils ne pourront pas se plaindre après… On essaie de venir au bon moment dans les villages parce que les gens sont occupés. Par exemple, on va venir pendant la prière à la mosquée ou alors à la fin de l’école quand les gens sortent dans les rues» explique-t-il.
Mais l’équipe de Qasim est confrontée à un sérieux problème : beaucoup d’Afghans n’ont plus foi en les entités gouvernementales. « Le gouvernement n’a rien fait pour eux ! Rien ! Par exemple ces routes, elles n’ont jamais été refaites comme promis ! Du coup ces Afghans n’ont plus confiance, ils ne veulent pas voter » poursuit Qasim Ahmad.
Pourtant, à Charikar, on est bien loin des combats et de l’insécurité qui reste l’obstacle majeure au bon déroulé de cet enregistrement. Rappelons qu’une grande partie du pays vit dans la guerre et que les insurgés ont d’ores et déjà lancé un avertissement en déconseillant aux Afghans de participer à ce processus : « ne perdez pas votre temps pour des élections qui de toutes façons seront frauduleuses » a déclaré un porte-parole du mouvement. Dans le nord-est, un camion rempli de formulaires d’enregistrement a été brûlé et dans la province de Ghazni, au sud ouest de Kaboul, c’est par hélicoptères que les bulletins ont été acheminés. Chris Alexander, numéro 2 des Nations Unies en Afghanistan (un des principaux bailleurs de l’organisation de ces élections) essaie de garder son optimisme : « il y a beaucoup d’incertitudes à la veille du début de cet exercice. Les gens n’ont une confiance absolue que ça marche. Et bien sur, il va y avoir des pertes, des attaques. Il y en a déjà eues. Il y a des cas d’intimidation. Lorsque ça frappe, ça frappe dur. Il va falloir malgré cela créer une atmosphère de confiance et que ces élections commencent à être perçues comme étant inévitables »
L’enregistrement de millions d’électeurs est la première étape d’un parcours incertain qui doit déboucher sur les présidentielles l’année prochaine. Mais les difficultés rencontrées dès aujourd’hui laissent planer le doute sur la tenue du scrutin en 2009.
Constance de Bonnaventure